• LE TRIBUNAL CRIMINEL DE L 'ORNE PENDANT LA TERREUR

    la terreur dans l'Orne

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  • La Terreur en Normandie,

    Arrestation d’un ex-noble en vertu de la « loi des suspects »

    (Angoville-sur-Ay, Sainte-Marie-du-Mont, 25 septembre 1793) 

     

     (l’orthographe a été respectée)  

    En vertu de l’arreté des citoyens commissaires des assemblées / primaires des sections du canton de ce

    district et visé par le / citoyen Le Carpentier Représentant du peuple délégué par / la Convention

    nationale dans le département de la Manche (,) / il est ordonné au nommé Beauvais-St Germain Ex

    noble / dangoville sur é (,) suspect (,) de se rendre sur le champ au ci devant château de / Ste Marie du

    Mont district de Carentan choisy pour / Maison d’arrêt (,) et faute par eux dexécuter lorde sur le / champ

    (,) ils encourreront la peinne prononcée parlaloy./

    La présente copie conforme a loriginal delivré le 25 / 7bre 1793 lan 2e

     de la Republique fse.

    Le lieutenant de gendarmerie nationale

    (signé :) Plainvien (avec paraphe)

    La presente notifiée audit saint germain Ex noble en son domicile ditte paroisse d’angoville sur E / en

    parlant a sa personne y trouvé a ce qu’il n’en ignore (,) par nous (,) Jean Baptiste Le Chevalier / et

    Charles François Sain (,) gardes nationaux le vingt cinq septembre mil sept cent quatre vingt / treize (,)

    lan second de la Republique française une indivisible (,) sur les quatre heure et demie / de relevée.

    (signé :) Sain (avec paraphe) (signé :) Lechevalier (avec paraphe) 

     

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    LA MAISON D’ARRÊT DE SAINTE-MARIE-DU-MONT 

    La Terreur en Normandie,

    La disparition dans les combats de la libération de la série L des archives départementales de la

    Manche empêche définitivement d’écrire une histoire dépassionnée et documentée des districts du

    département sous la Révolution française. Les registres des délibérations, la correspondance active et

    passive des comités de surveillance et des assemblées des districts, les registres de contrôle, tous ont

    été consumés. Reste à notre disposition les sources municipales, la correspondance des administrations

    territoriales avec la Convention ou les comités parisiens, les archives des justices de paix versées

    après-guerre et qui attendent leur dépouillement, quelques archives locales épargnées, souvent de

    provenance privée, comme ce billet d’arrestation, et la très précieuse contribution des érudits. Leurs

    travaux définitifs et publiés, ou partiels mais conservés aux archives départementales, sont une source

    d’une valeur plus considérable qu’en d'autres endroits dans la mesure où ils reproduisent souvent des

    originaux détruits, telle la liste des détenus de la maison d’arrêt de Sainte-Marie-du-Mont, publiée en

    1873 par Lechanteur de Pontaumont dans les Mémoires de la Société nationale académique de

    Cherbourg.

    L’application de la loi du 12 août, qui décidait l’incarcération des suspects, gonflait brutalement la

    population carcérale des districts. Les prisons ordinaires étant sans doute déjà bien encombrées, le

    district de Carentan dû désigner une nouvelle maison d’arrêt en mesure d’abriter les nombreux

    hypothétiques ennemis de la Révolution. L’administration du district choisit une bâtisse suffisamment

    vaste et proche du chef-lieu, le château de Sainte-Marie-du-Mont. La décision fut prise le 18 septembre

    (le décret relatif aux suspects était pris la veille à Paris, mais le représentant en mission Le Carpentier

    avait du anticiper, ayant eu connaissance de la loi du mois précédent). Le temps pressait… le même

    jour, Le Carpentier adressait à ses collègues députés, restés à Paris, une liste de personnes suspectes,

    du district, à mettre en état d’arrestation au château de Sainte-Marie-du-Mont1

     : 122 personnes dont 38

    aristocrates parents d’émigrés et 8 prêtres réfractaires.2

     Parmi eux, Beauvais-Saint-Germain dont le

    billet d’arrestation est prétexte à ce Didac’doc. C’est, en effet, ce 18 septembre que Le Carpentier

    demandait aux administrateurs du district de Carentan de « pourvoir sans délai à l’arrestation » du sieur

    Beauvais-Saint-Germain, ex-noble domicilié à Angoville-sur-Ay (canton de Lessay), décidée la veille, 17

    septembre, par les 14 commissaires des sections du canton du district de Carentan.3

    La municipalité de Sainte-Marie-du-Mont fut officiellement avertie de la création d’une maison d’arrêt

    dans la château des Rohan-Soubise le jour même, 18 septembre, et dû sur le champ en chasser les

    occupants et préparer les lieux pour leur nouvelle destination. On chargeait la commune de la

    surveillance et de la police et l’autorisait à « requérir des municipalités voisines tous les lits et ustensiles

    nécessaires. » 14 communes voisines furent sollicitées. 

    Quatre occupants et leurs domestiques durent

    quitter le château, Charles Delabarbe-Duverger, ancien maire, qui l’habitait en sa qualité de régisseur des Rohan-Soubise, détenteurs du château et du vaste domaine qui l’entourait, la veuve Léonore de Laval SaintMaur, locataire d’une aile, les citoyennes Guillot et Avoyne, résidant dans la basse-cour.

    Charles Marie fut nommé casernier du château, chargé de recevoir et restituer les effets confisqués aux internés.

    Le 22 septembre, jour où le District déterminait le règlement de la nouvelle maison d’arrêt, le

    premier détenu arrivait. C’était le curé de Beuzeville-sur-le-Vey. Le lendemain François Gabriel Avril,

    laboureur de Saint-Côme-du-Mont le rejoignait. Le 24 septembre, 26 suspects découvraient les lieux,

    suivis de 18 le lendemain et de 26 le surlendemain. Fin novembre, on comptait 101 détenus, auxquels

    s’ajoutaient 38 personnes en octobre, 42 en novembre ; soit 191 prisonniers à la fin de l’année. Les

    entrées sont plus clairsemées en 1794, mais culminent à 18 en février et 26 en juin. Au total, 290

    détenus figurent sur le registre d’écrou de la prison ; mais des feuillets manquant, Gilles Perrault, qui

    consacre plusieurs pages documentées à cet épisode révolutionnaire dans Les Gens d’ici, suggère un

    total supérieur à 300.

    204 hommes et 86 femmes sont identifiés, « une tourbe de ci-devant nobles, de fédéralistes & de

    contre-révolutionnaires » selon les termes de Le Carpentier en février 1794

    . Trente-huit nobles,

    soixante-trois laboureurs, vingt prêtres, treize religieuses

     mais aussi douze cultivateurs (que Perrault

    distingue des laboureurs), deux médecins, des commerçants, des artisans, des hommes de loi, des

    fonctionnaires, des domestiques, incarcérés pour des motifs très différents7

     : aristocratie, parenté avec

    un émigré, agiotage, fraude, fédéralisme, refus de prêter le serment, propos contre-révolutionnaires,

    infraction aux lois… La « loi des suspects » autorisait une telle mixité, une telle promiscuité aussi.

    En avril 1795, les Montagnards écartés du pouvoir, le conseil municipal de Carentan dénoncera les

    agissements de membres du comité de surveillance qui…ont mis en état d'arrestation des vieillards, des infirmes, des ouvriers, des journaliers, des pères et mères de

    famille, des enfants, etc. C'est un fait public que les arrestations étaient prononcées sans distinction de sexe,

    d'âge, etc. […] Des pères suivis par leurs femmes et par leurs enfants, jusqu'à la porte de la prison où on les

    enfermait ; des mères vertueuses, de jeunes personnes, etc. ont été arrêtés et confondus pendant un temps

    avec des individus que l'ordre social désavoue, et de là transférés avec éclat à la maison d'arrêt de Sainte

    Marie-du-Mont, la plus grande partie dans des charrettes escortées par la force armée

    (voir Histoire de la ville de Carentan et de ses notables d’après les monuments

    paléographiques, Paris, Dumoulin et Gouin, 1863, p. 281.)

     

    Cruauté, promiscuité, publicité sont reprochés aux terroristes carentanais, en 1795. Aucun des

    occupants de la maison d’arrêt n’a laissé, semble-t-il, de témoignage sur son quotidien. On sait

    seulement qu’en vertu de l’article 10 du règlement disciplinaire imaginé par le conseil de la commune de

    Sainte-Marie-du-Mont pour assurer la sécurité des lieux, « les détenus ne pourront sortir de leurs

    appartements avant sept heures du matin ni après cinq heures du soir. Les concierges fermeront ou

    ouvriront les portes des ailes aux heures dites. » Le District avait déterminé que les prisonniers

    paieraient les frais d’entretien et de nourriture. Cela n’excluait probablement pas que comme en d’autres

    lieux qu’ils puissent se faire livrer de quoi améliorer l’ordinaire. D’ailleurs l’apitoiement de la municipalité

    montoise sur le sort des religieux qui « offrent l’image de la plus profonde détresse »9

    , sans doute parce

    que livrés à eux-mêmes, inspire que les autres détenus recevaient une assistance de leur famille. Les

    prisonniers n’auraient donc pas été contraints de « manger à la gamelle » comme le préconisait à PortMalo

    Le Carpentier au printemps 1794, recevant la même nourriture au réfectoire ; manière d’égaliser,

    par le bas, les conditions de prisonniers venus d’horizons si disparates, et de dégrader les trop

    prétentieux aristocrates en leur servant un brouet républicain.

    20 gardes nationaux furent d’abord affectés à la surveillance, en attendant l’arrivée de troupes. Puis, dès

    octobre, une compagnie de soixante hommes recrutés parmi les « chefs de famille » de la région prit la

    relève. La solde étant suffisante et le travail reposant, les volontaires affluaient pour se relayer. La

    commune dut y mettre de l’ordre et instaurer des quotas. Il semble ne pas y avoir eu d’évasion10, et le

    registre d’état-civil garde souvenir du décès d’une seule prisonnière, Rosalie Lecointre.

    Les détenus eurent-ils à craindre l’approche des Vendéens, en novembre ? Selon le témoignage de

    Cornavin de Chanvalon, en 1818, qui fut maire de Sainte-Marie-du-Mont avant d’être celui de Carentan,

    « deux cents malheureux détenus qu’on avait dessein d’égorger » lui doivent la vie11. Echappa-t-on à

    des massacres de novembre dans le Cotentin ? La question n’est pas à écarter, d’autant que l’Anglais

     

    George Greene, incarcéré alors à Torigni, évoque un fait similaire. 

    Le reflux de l’Armée catholique et royale, après la victoire des Granvillais, dispensait les sans-culottes d’expédier dans l’au-delà des

    contre-révolutionnaires suspectés d’espérer leur défaite.

    En janvier 1794, le représentant en mission Bouret, voulant élargir

    des détenus de la prison Mont-du-Vey, demande des rapports aux

    comités de surveillance des communes d’où sont originaires les

    prisonniers, pour le faire en connaissance de cause. Mais les

    rapports favorables auraient été transformés par le district de

    manière à les maintenir en détention.13 Malgré tout, des libérations

    interviennent en janvier et février ; 33 en janvier puis 10 selon

    Perrault, 53, le 2 février, d’après un document conservé aux

    archives nationales. Une pusillanimité que condamna Le

    Carpentier. Les protestations de ce dernier sont peut-être à

    l’origine de l’admission de 10 prisonniers en février. A contrario,

    sur le vu du tableau des détenus transmis par les administrateurs

    du district de Carentan, il ordonna la remise en liberté de 77

    hommes et femmes pour la plupart cultivateurs qui ne méritaient

    pas une détention plus longue.

    De retour dans la région, en juillet 1794, Le Carpentier ordonna-t-il

    de nouvelles arrestations ? Il se pencha sur la liste des internés et

    en désigna 33 pour être traduit devant le Tribunal révolutionnaire

    parisien, après en avoir conféré avec le District et le comité de

    surveillance présidé par Hyacinthe-Louis Blanche. 

     

    Sources :

    - LECHANTEUR DE PONTAUMONT (Emile). « Récits d’une soirée d’hiver dans la Hague » dans Mémoires de la

    Société nationale académique de Cherbourg, 1873.

    - LOUIS (abbé). « Recherches sur la paroisse de Sainte-Marie-du-Mont » dans les Mémoires de la Société des

    antiquaires de Normandie, 14e

     volume, 1844.

    - PERRAULT (Gilles). Les gens d’ici, Paris, Ramsay, 1981.

    - SAROT (Emile). Des tribunaux répressifs ordinaires de la Manche en matière politique pendant la première

    Révolution. Coutances, Salettes, 1882.

    - VILLAND (Remy). Sainte-Marie-du-Mont - Notules historiques. Société d’archéologie. Mélanges, 1985.

    - Notes de l’abbé Duprey. Délibérations et arrêtés du Directoire du district de Carentan – 3e

     volume (1er juillet 1793

     

    – 26 nivose an II). Arch. Manche L 784, art. détruit en 1944. Arch. Manche 148 J 112. 

     

     


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  • LA « LOI DES SUSPECTS »

     Le décret du 17 septembre 1793 relatif aux gens suspects, souvent appelé, à tort « loi des suspects »,est un décret adopté le 17 septembre 1793 par la Convention nationale française, en application de la loi du  12  août  précédent,  qui  prescrivait  « l'arrestation  des  suspects ».  Il  fut  publié  dans  les  colonnes du Moniteur le 19 septembre suivant. « Art. 1er. Immédiatement après la publication du présent décret, tous les gens suspects qui se trouvent dans le territoire de la République, et qui sont encore en liberté, seront mis en état d'arrestation. Art.  2.  Sont  réputés  gens  suspects :  1°  ceux  qui,  soit  par  leur  conduite,  soit  par  leur  relations,  soit  par leur propos ou leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme, et ennemis de la liberté ; 2° ceux qui ne pourront pas justifier, de la manière prescrite par le décret du 21 Mars dernier, de leurs moyens d’exister et de l'acquit de leurs devoirs civiques ; 3° ceux à qui il a été refusé des certificats de  civisme ;  4°  les  fonctionnaires  publics  suspendus  ou  destitués  de  leurs  fonctions  par  la  Conventionnationale ou ses commissaires, et non réintégrés, notamment ceux qui ont été ou doivent être destituésen  vertu  du  décret  du  14  août  dernier ;  5°  ceux  des  ci-devants  nobles,  ensemble  les  maris,  femmes, pères, mères, fils  ou filles, frère  sou  sœurs,  et  agens  d'émigrés, qui  n'ont  pas  constamment manifestéleur  attachement  à  la  révolution ;  6°  ceux  qui  ont émigré  dans  l'intervalle  du  1er  juillet  1789  à  la publication du décret du 30 mars - 8 avril 1792, quoiqu'ils soient rentrés en France dans le délai fixé par ce décret, ou précédemment. Art. 3. Les comités de surveillance établis d'après le décret du 21 mars dernier, ou ceux qui leur ont été substitués,  soit  par  les  arrêtés  des  représentants du  peuple  envoyés  par  les  armées  et  dans  les départemens, soit en vertu des décrets particuliers de la Convention nationale, sont chargés de dresser, chacun  dans  son  arrondissement,  la  liste  des  gens  suspects,  de  décerner  contre  eux  les  mandats d'arrêt,  et  de  faire  apposer  les  scellés  sur  leurs papiers.  Les  commandans  de  la  force  publique  à  qui seront  remis  ces  mandats  seront  tenus  de  les  mettre  à  exécution  sur-le-champ,  sous  peine  de destitution. Art. 4. Les membres du comité ne pourront ordonner l'arrestation d'aucun individu sans être au nombre de sept, et qu'à la majorité absolue des voix.

    Art. 5. Les individus arrêtés comme suspects seront d'abord conduits dans les maisons d’arrêts du lieude leur détention ; à défaut de maisons d'arrêt, ils seront gardés à vue dans leurs demeures respectives. Art.   6.   Dans   la   huitaine   suivante,   ils   seront   transférés   dans   les   batimens   nationaux   que   les administrations  de  département  seront  tenues,  aussitôt  après  la  réception  du  présent  décret,  de désigner et faire préparer à cet effet. Art.  7.  Les  détenus  pourront  faire  transporter  dans  ces  batimens  les  meubles  qui  leur  seront  d'une absolue nécessité ; ils y resteront gardés jusqu'à la paix. Art. 8. Les frais de garde seront à la charge des détenus, et seront répartis entre eux également : cette garde  sera  confiée  de  préférence  aux  pères  de  famille  et  aux  parens  des  citoyens  qui  sont  ou marcheront aux frontières. Le salaire en est fixé, par chaque homme de garde, à la valeur d'une journée et demie de travail. Art. 9. Les comités de surveillance enverront sans délai au comité de sûreté générale de la Conventionnationale l'état des personnes qu’ils auront fait arrêter, avec les motifs de leur arrestation et les papiers qu'ils auront saisis sur elles comme gens suspects.10.  Les  tribunaux  civils  et  criminels  pourront,  s'il  y  a  lieu,  faire  retenir  en  état  d'arrestation  et envoyer dans  les  maisons  de  détention  ci-dessus  énoncées,  les  prévenus  de  délits  à  l'égard  desquels  il  sera déclaré n'y avoir pas lieu à accusation, ou qui seraient acquittés des accusations portées contre eux. » 


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