• 1 - La naissance du château au XIème siècle

     

     

    Les recherches archéologiques récentes ont montré que le site de Caen avait connu une occupation protohistorique marquée par des sépultures, et par des noms de lieux dont Cattumagos (le champ de bataille) à l'origine du nom même de Caen. Aux premiers siècles de notre ère, une implantation romaine aurait existé sur le site même de Caen, vraisemblablement à l'emplacement actuel de l'abbaye de Saint Etienne.

    Il faut attendre le début du Xième siècle pour voir apparaître le nom de Caen dans des textes, tout d'abord dans un acte du duc Richard II, vers 1025, puis dans un deuxième acte de Richard III (1026 / 1027). Ces textes donnent de Caen l'image d'abord d'un grand domaine rural, semblable aux villae romaines, puis d'une agglomération située de part et d'autre de l'Orne. Le statut juridique et protecteur de " bourg " lui est accordé, permettant l'arrivée de nouveaux habitants et la fusion des implantations proto-ubaines. C'est cependant Guillaume, septième duc de Normandie, encore dénommé le Batard avant de devenir le Conquérant, qui vers 1050, donne le vrai départ à la ville de Caen

    Après sa victoire militaire sur les conjurés qui contestait sa légitimité de duc de Normandie, Guillaume consolide cet acquit par un succès politique en réunissant à Caen, en 1047, un concile de paix. C'est vraisemblablement à cette occasion qu'il va prendre la décision de faire de Caen sa ville ducale.

    Les premiers éléments d'une grande forteresse se mettent en place rapidement sur la colline qui domine la vallée marécageuse où coule l'Orne. C'est une vaste enceinte de 5 hectares environ, prenant la forme d'un éperon, séparée du plateau calcaire qui s'étend au nord par un profond fossé. Guillaume le Conquérant fait édifier une muraille de pierre à la place de la palissade de bois qui l'aurait précédée. Pas encore de tours de flanquement, mais à son sommet des hourds de bois, les " garites ", surplombant le fossé. L'accès au château se fait par le nord, où l'on a découvert les vestiges d'une tour, vraisemblablement une tour-porte, incluse dans un bâtiment de plan carré, percé au rez-de-chaussée d'un passage voûté. Cette tour était l'élément militaire le plus important du dispositif de défense à l'époque de la création du château.

    Le duc fait construire sa résidence à l'intérieur du château, au nord ouest, non loin de cette tour-porte. Son palais est séparé du reste du château par un mur interne. Il est composé d'une salle (aula), d'une chapelle (capella) et d'appartements privés (camerae). Des services, cuisine, paneterie, laiterie, buanderie complètent cet ensemble. La salle principale mesurait 16 mètres de long sur 8 mètres de large. Les murs ont une épaisseur de 0.80 mètre. Les vestiges d'un escalier à vis laissent supposer l'existence d'un étage. A quelques mètres au sud, se trouvait une chapelle palatine dédiée à Saint Georges, que l'on ne doit pas confondre avec l'église Saint Georges qui existe toujours, et qui se trouve plus au sud en face de l'actuel Logis des Gouverneurs.

    Pour Guillaume, le château est avant tout une demeure princière. Les exigences de l'époque ont fait qu'il l'a doté d'un système défensif militaire.


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  • Au début du XIIe siècle, vers 1120, Henri Ier Beauclerc, roi d'Angleterre depuis 1100, fait édifier la salle de l'Echiquier et le donjon. Le donjon est une tour de plan légèrement rectangulaire de 27,40 mètres selon l'axe est/ouest , sur 24 mètres selon l'axe nord/sud. Les murs ont 4,40 mètres d'épaisseur. Ils sont munis dans les angles et au milieu de chaque face de contreforts plats à double ressaut, comme il est habituel pour les édifices militaires normands de cette époque. Il devait avoir une trentaine de mètres de haut. Quatre niveaux, le premier au rez de chaussée est complètement aveugle pour des raisons de sécurité. On y entreposait les vivres et les armes, ainsi que le trésor ducal et royal quand le duc-roi y séjournait. Le deuxième étage était l'étage noble séparé en deux parties inégales par le mur de refend. Au sud, la grande salle ; au nord les appartements privés. Le troisième étage était réservé à la garnison du donjon. Au quatrième, la plate-forme est composée du chemin de ronde protégé par le crénelage, et des deux parties de la toiture. L'accès se fait par le flanc sud occupé par un avant-corps. La communication entre les étages se faisait par des escaliers compris dans l'intérieur des murs ou par des escaliers intérieurs en bois.

    Le donjon a un objectif militaire défensif clair. Il est là pour renforcer la défense du seul accès au château en doublant la tour-porte du nord.

    L'Echiquier de Henri 1er Beauclerc est une " aula " beaucoup vaste que l'aula de Guillaume : 30,70 sur 11 mètres. Les murs sont plus épais, de 0,92 à 1,02 mètre. Le bâtiment est à deux étages, une salle d'apparat au rez de chaussée, l'étage noble sur plancher au 1er étage. Le vieux bâtiment construit par Guillaume se trouve à angle droit de l'Echiquier. Il aurait continué de servir comme appartements privés. Une porte de la salle de l'Echiquier relie très exactement les deux bâtiments.

    L'ouest de l'enceinte est laissé vide de toute construction. Un moulin était implanté au nord. A l'est une citerne et un silo transformés par la suite en dépotoir, une cuisine, un four à pains avec plusieurs foyers.

    Henri 1er Beauclerc transforme la résidence fortifiée de son père en une forteresse où l'énorme donjon donne immédiatement une impression de puissance et de force. En 1182, il y réunit une cour composée de plus de 1000 chevaliers, défiant alors le jeune roi de France Philippe Auguste, incapable à la même époque de réunir semblable assistance.

    Malgré cet aspect imposant, le château possède de nombreux points faibles qui feront que Philippe Auguste le prendra sans coup férir en mai 1204.


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  • Après sa conquête de la Normandie, Philippe Auguste veut tout à la fois apposer la marque de son autorité et de sa puissance et renforcer ses places militaires. Il fait envelopper le donjon carré du XIIème siècle par une chemise comportant une courtine de plan presque carré cantonnée de quatre tours circulaires. Distante d'une dizaine de mètres des flancs du donjon, cette chemise l'isole complètement du reste du château. Un large fossé complète ce dispositif défensif. La tour-porte du nord disparaît, et est remplacée par une tour "la Porte des Champs" ou "Porte de Secours" aux formes circulaires. Cette tour est toujours debout. Un deuxième fossé doublant le premier en direction du nord complète le dispositif. Deux tours rondes sont construites pour commander le raccordement avec l'enceinte du château aux remparts de la ville.

    Le château de Caen ne sera pas modifié jusqu'à la guerre de Cent Ans, où il subira un siège français (1450) et deux sièges anglais (1346 et 1417) mais ne sera jamais pris d'assaut.

    L'ensemble palatial construit par Guillaume le Conquérant, puis Henri 1er Beauclerc, perd peu à peu de sa splendeur, même si des travaux de restauration sont entrepris périodiquement. Les représentants du nouveau pouvoir royal s'installent à partir de 1338 dans le "Logis du Roi". Profondément remanié au XVIIème siècle le "Logis du Roi", dit également "Logis des gouverneurs", abrite aujourd'hui le Musée de Normandie.


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  • Le siège de 1346 provoque un tel traumatisme que le château va être une nouvelle fois remodelé.

    A l'emplacement de la porte primitive au nord, un pont relie le donjon à l'espace découvert dit " la Garenne " où se trouve maintenant l'Esplanade de la paix. Ce pont est défendu par une petite barbacane aujourd'hui disparue. Au sud, une véritable porte fortifiée munie de deux tours est substituée à l'antique petite poterne. Une barbacane, la barbacane Saint Pierre y est ajoutée entre 1438 et 1445. Ce dispositif a été profondément remanié en 1804. Une barbacane est également construite pour protéger la porte des Champs. Détruite lors des bombardements anglo-américains de 1944, cette barbacane a été reconstruite à l'identique.

    Les trois tours rectangulaires qui dominent la rue de Geôle remontent vraisemblablement à Henri 1er Beauclerc. Elles sont couvertes de toitures à quatre pans en bois. On y substitue vers 1386, des couvertures en ardoise. Les deux tours circulaires attribuables au règne de Philippe Auguste, renforçant la jonction entre le mur d'enceinte de la ville et le château, existent toujours. Ce sont la tour de la reine Mathilde, presque dans son état initial et la tour Puchot, qui a subi de nombreux remaniements. Les huit autres tours de l'enceinte datent de la phase de construction qui suivit le siège de 1346.

    Après le bombardement anglais lors du siège de 1417, l'église romane Saint Georges construite par Guillaume le Conquérant est reprise Les fenêtres romanes à ébrasement intérieur sont condamnées. On y substitue de grandes fenêtres de style " modérément flamboyant ". La nef est recouverte d'une charpente dissimulée par un lambris. Un clocher en bois est vraisemblablement ajouté à cette époque. Au XVème / XVIème siècles, le chœur, la petite chapelle adjacente à la nef coté sud et le portail sont reconstruits.


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  • De 1450 à 1870, le château de Caen ne joue plus aucun rôle militaire. Les tragiques évènements qui marquent l'histoire de France du XVème siècle au XIXème siècle ne l'affectent pas … jusqu'en 1793, date de la funeste décision de la Convention qui comme pour beaucoup d'autres monuments religieux ou militaires, veut effacer les témoins du passé. Par décret du 6 août 1793, la Convention ordonne que " le donjon et le château de Caen, dans lesquels la liberté et la représentation nationale ont été outragées, seront démolis : sur les ruines du donjon, il sera planté un poteau sur lequel seront inscrits les noms des députés déclarés traîtres à la patrie. " Le 17 août 1793, la démolition commence, malgré les protestations des caennais. En 1805, l'entrée Saint Pierre est restaurée, mais le donjon est rasé presqu'en totalité.

    Le château s'endort à nouveau et n'est plus regardé que comme une ruine romantique. Les remparts disparaissent masqués par les maisons qui poussent un peu partout.

    La défaite de 1870 va entraîner une réforme en profondeur du dispositif militaire français. Le château reprend du service et se retrouve caserne du prestigieux 36ème Régiment d'Infanterie de ligne, héritier du régiment d'Anjou créé en 1671 par Louis XV. Sur son drapeau de nombreux titres de gloire : Jemmapes (1792), Hondschoote (1793), Zurich (1799), Austerlitz (1805), Iena (1806), avant d'y ajouter la Marne, l'Artois, le Chemin des Dames, Verdun. En 1940, le 36ème RI fait partie de ces unités qui sauvent l'honneur dans la débâcle. Parmi quelques uns de ses plus illustres soldats, citons le Général Koenig, engagé volontaire en 1914 au 36ème RI.


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