• Pour une fête nationale normande !

     

     

    Il y a quatre-vingt ans, un appel était clamé déjà, un appel demandant à nous, les Normands de s’unir, de s’entendre, de vouloir.

    Cet appel n’a pas été entendu, mais l’opiniâtreté est l’un des propres du Normand, et voici qu’un an plus tard, une autre voix clamait à nouveau, clamait le même appel ! « Et s’il fallait qu’une seconde fois celui-ci ne fut pas entendu, eh bien, il se trouvera certes quelque autre Normand encore pour saisir et transmettre la torche enflammée — disait-elle. » Mais quatre-vingt ans plus tard, cet appel est demeuré vain.

    En terre normande, une idée bonne, saine, noble fait toujours son chemin : seulement, elle y met le temps ; il faut dix fois à enfoncer le clou ; mais, Dieu merci, les ouvriers des bonnes causes ne manquent pas. 

    Il y a quatre-vingt ans, quelqu’un disait déjà : « Il nous faut une fête qui soit à nous, à nous seuls et où nous puissions célébrer nos grands souvenirs, une journée Normande — une Fête Nationale Normande ! »

    La chose ferait donc peur ; Fête Nationale, oui certes, car il est une Nation normande, comme il est une Histoire, une Légende, une Epopée normandes, faite de dix Normandies éparses ; Fête Nationale Normande, cela n’implique nulle idée mesquine, nulle pensée impie de séparatisme — bien au contraire ! Car cette fête aurait un caractère non seulement décentralisateur, mais international. On la célébrerait en Normandie française et aussi en Angleterre ; les Scandinaves y participeraient et aussi les Canadiens, et aussi les Normands disséminés sur la vaste terre…

    Oh ! que n’a-t-on, au lendemain de la célébration du Millénaire — il y aura bientôt cent ans ! —, lancé telle idée : Un enthousiasme régnait alors, qui eut fait d’un projet une réalisation, d’un rêve une réalité.

    …Mais on a laissé passer les années et vous savez ce qu’elles nous apportèrent, de joies, luttes, espoirs ou déceptions ! Longtemps les soucis furent ailleurs, et, longtemps, parler de fêtes eut été amère dérision ; pendant ce temps, et de son mieux, Normandie besognait !

    Mais quelle que soit la couleur du ciel à l’Orient, l’heure n’est-elle pas revenue enfin d’affirmer cette volonté de vivre, pour le peuple auquel nous appartenons ? N’est-ce pas faire, avant tout, œuvre de paix et d’union, que de crier : « Nous avons combattu, nous avons lutté, nous avons assis sur la vaste Terre l’immense empire d’un Génie qui survit aux siècles qui passent ! Les Léopards ont essaimé, le peuple normand a pris pied partout, la Bannière écarlate a flotté en Sicile et sur la Baltique et d’Islande à Bayeux ! »

    Un jour lointain, deux grands peuples étaient aux prises, aux champs d’Hastings — et, au soir de ce jour-là, tandis que des nuées tragiques s’attardaient à l’horizon bas, sur la plaine où Edith, « la belle au col de cygne » cherchait le corps d’Harold parmi les morts, des clameurs montaient — de désespoir ici et d’allégresse là !

    Or, entendez-les, répercutées de siècle en siècle, parvenues jusqu’à nous, amplifiées par la merveilleuse sonorité des fjords normands, estuaires, vallées… « Normandie ! Normandie ! » Jadis, aux heures rouges, cris de malédictions ici et de victoire là ! Aujourd’hui, clameur, chant, hymne…

    Il nous faut notre Fête Nationale. Ne cherchons date ni souvenir ou anniversaire, nous avons l’un et l’autre, de tout temps. Hastings, quatorze octobre ! Ce jour-là commençait quelque chose de grand, œuvre de paix et de civilisation, bâtie certes sur la tragique aventure de l’homme, qui est de se battre, mais sanctionnée par près d’un millénaire ! 

    Où la célébrer ? Partout où il eut des Normands ! Partout où peut être arboré l’étendard aux léopards ! Or, fait symptomatique, si vous voulez arborer chez nous la bannière écarlate, commencez par la broder ou la coudre… car le commerce même l’ignore !

    Et pourtant, si quelqu’un sait un jour dire les mots qui conviennent, les mots qui marquent les cœurs, un enthousiasme éclatera, de la Bresle au Cotentin ! Est-il un mot magique ? Est-il une formule ayant puissance de sortilèges ? Le vieux « Diex aïe ! » qui vainquit à Hastings est-il donc désormais sans effet ?

     On n’a plus, à notre époque, de ces beaux emballements pour une idée. On est positif, on se passionne pour un match, non plus pour un souvenir ! Organisez la réception d’un héros de l’air ou de la mer, ou du vainqueur d’un record, fêtez le célèbre « Ventre de Rouen » ou couronnez la Rosière d’Emendreville, tous applaudiront, et il n’y aura pas assez de fonctions de bureau à distribuer, au sein des Comités, aux bonnes volontés en mal de réclame ! 

    Or, il faut que si, chez nous, l’on tente de faire renaître l’enthousiasme, de faire vibrer les foules comme jadis, de faire à nouveau surgir au fond des êtres quelque chose qui vient du fond des siècles — il faut que le miracle se produise ! Il s’est bien produit en mil-neuf cent onze !

    Il ne faut pas chercher des mots ronflants, ni des idées profondes jusqu’à en être creuses ; il ne faut pas agiter des souvenirs ou des fantômes comme des épouvantails, faire de folles promesses ou exhiber d’illusoires cocardes : il faut penser au fond du cœur, dire, répéter — mais avec foi ! mais avec conviction ! — le Credo de notre province, le cri de Charles Brisson : 

    « Je suis Normand, et mon pays a plus de mille ans ! Je suis Normand et j’ai au cœur l’orgueil de ma Race, parce que je sais ce qu’elle a fait de bien et qu’elle est de celles dont on ne désespère pas ! Je suis Normand et mon pays, sous un ciel plus tendre qu’ailleurs, est beau parmi les beaux pays ! Je suis Normand et parmi les provinces de France, la mienne est souveraine dans l’Espace et dans le Temps, de par ses fils, son sol et son génie ! Et à cause de cela, de tout cela, j’ai droit à l’une de ces heures indicibles, d’enthousiasme et de foi et de paix et de beauté, chaque année renouvelée, où, en souvenir de jadis, en témoignage d’aujourd’hui, en promesse et espoir des demains qui viendront, je saurai que tous les Normands de toutes les Normandies arboreront à leur porte le vieil étendard et à leur front leur légitime orgueil ! »

    …Sachons vouloir cela ! Répandons l’idée et la parole ! Plaçons nous sous le signe d’Hastings ! et peut-être, alors, au 14 octobre prochain, pourrons nous, si vraiment nous le voulons, « fêter Normandie ! »

    Deux-mil dix, dès lors, serait « an de grâce » devant l’Histoire !

     


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  • Le 25 novembre 885, les Normands commencèrent le siège de Paris et donnèrent le premier assaut. Cet hiver-là, la température fut exceptionnellement froide. Les eaux de la Seine débordèrent, par suite des grosses pluies, avec une telle violence qu'elles couvrirent la campagne voisine.

    Comme le petit bras du fleuve avait été en partie comblé par les Normands, les eaux, gênées dans leur cours, ne tardèrent pas à renverser les piles du petit pont de bois qui joignait la Cité à la rive gauche, le pont Saint-Michel ; de sorte que la tour du Petit-Châtelet, isolée de la ville, se trouva à la merci des Normands postés au bas de la montagne Sainte-Geneviève, et il fut désormais impossible aux Parisiens de secourir les douze soldats que Gozlin y avait placés ce 6 février 886.


    Dès le lendemain matin, comme on devait s'y attendre, les Barbares commencèrent à investir la tour. Mais ce fut en vain qu'ils en sapèrent le pied en poussant des cris de rage, ce fut en vain qu'ils sommèrent les Douze de capituler. Aussi, leur fureur augmentant en raison de l'inutilité de leurs efforts, n'hésitèrent-ils pas à recourir à l'incendie. Ils apportèrent au pied de la tour du bois, de la paille et de la résine, y mirent le feu, et obligèrent ainsi les assiégés, après un combat de quelques heures, à se réfugier sur la première arche du pont, la seule qui pût rester sur pied. Les Douze se défendirent encore jusqu'au soir.

    Pont Saint-Michel et rue Neuve-Saint-Louis
    au XVIIe siècle, par Cruyl

    Cependant, leurs forces étaient épuisées ; ils se trouvaient incapables d'opposer une plus longue résistance, et ils prêtèrent l'oreille aux propositions des Normands, qui leur promettaient la vie sauve moyennant une forte rançon.

    Ils déposèrent donc les armes ; mais pendant que l'un d'eux, Hervé, prenait le chemin de la ville pour aller chercher la somme convenue, les assiégeants massacrèrent les autres, à l'exception d'un seul qui, d'après quelques historiens, serait parvenu à se sauver à la nage. S'ils avaient épargné Hervé, c'est qu'ils l'avaient pris pour un grand seigneur et qu'ils pensaient, en conséquence, en tirer une riche rançon.

    Hervé était un homme courageux. Choisi par Gozlin, dont il avait justement la confiance, pour défendre la tour du Petit-Châtelet, il se serait cru déshonoré en survivant à ses frères d'armes. Brandissant son épée, il se précipita au milieu des Barbares et vendit chèrement sa liberté. Les Normands s'emparèrent de lui, le lièrent, et, après l'avoir tué, jetèrent dans la Seine son cadavre et ceux de ses compagnons.

    Cet épisode du siège de Paris est digne de mémoire. Les Douze paraissent mériter d'être placés au nombre des patriotes les plus dévoués. On a pensé qu'il pouvait être juste d'élever à leur mémoire quelque monument, ou tout au moins d'inscrire leur nom à l'endroit même où ils ont montré tant de vaillance. Le pont Saint-Michel pourrait être appelé le pont des Douze.


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    Pas de lions sur le blason normand en effet mais deux "léopards passants, d'or, sur champ de gueules".

     

    Le léopard héraldique est souvent confondu avec le lion dans la mesure où il est représenté comme lui avec une crinière et sans aucune caractéristique de pelage tacheté.
    En fait le léopard héraldique se distingue du lion en ce qu'il est représenté "passant", c'est-à-dire marchant sur trois pattes, la quatrième dressée, corps de profil et tête de face, et queue redressée vers l'extérieur (et non retombant sur le dos, comme pour le lion). Le léopard peut être "lioné", ou "rampant" (la position héraldique du lion), s'il est dressé sur ses pattes arrières. Il ne se distingue plus alors que par la queue et le tête.

     

    Ceci dit, le léopard est dans le bestiaire médiéval un cousin du lion. "Léo-pard", soit batard du lion (leo) et du "pard", la panthère. Animal maléfique puisque batard.Henri II Palntagenêt aurait choisi ce blason en défi au pape après son excommunication pour le meurtre de Thomas Becket ???

     

    Car en fait les léopards de Normandie sont anglais. Anglo-angevins plus précisément, et normands par alliance.
    Ils sont dérivés du plus ancien blason connu de la famille comtale angevine : les Plantagenêts, celui de Geoffroy, père d'Henri, dont on peut admirer la plate-tombe en émail, dite pour cela "l'émail Plantagenêt" au Musée du Mans.

    Sur l'émail Plantagenêt les figures sont disposées en semis (en nombre non fixé) sur champ d'azur, comme c'est le cas pour beaucoup de blasons au début de la période héraldique (il n'y a pas d'armoiries au sens strict avant le XIIe s.). Les lys de France sont ainsi en semis avant d'être au nombre de trois en hommage à la Sainte Trinité.
    Les léopards Plantagenêts ont suivi la même évolution. On parle parfois de trois léopards pour les trois fils d'Henri, Henri le Jeune, Richard et Jean. Mais Henri II a eu d'autres fils.

    L'azur (bleu) et le gueule (rouge) sont quand à elles des couleurs communes dans les grandes familles d'Europe. Henri II préférera donc le rouge au bleu.
    Il n'y a pas de rapport entre le surnom de Richard et les léopards du blason. Les contemporains ne pouvaient faire la confusion.

     

    Les armoiries des Plantagenêts passent donc dans le blason royal d'Angleterre. Par la suite les souverains anglais y ajoutent les lys de France (qu'ils gardent toujours) en rappel de leur revendication du trône de France, cause de la guerre de Cent Ans. En réponse et par défi, Charles V prendra les léopards plantagenêts, réduits au nombre de deux, pour blason de la Normandie, théâtre important des chevauchées anglaises et françaises et province donnée en apanage aux héritiers de France - Charles V fut duc de Normandie, comme son père Jean le Bon.

     

    On ne peut donc pas parler des deux léopards d'or sur champ de gueule comme blason de la Normandie avant le couronnement de Charles en 1365. Rien à voir, faut-il le préciser, avec Guillaume le Conquérant.

     


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