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L'histoire d'un jeune homme de 91 ans
Texte extrait du bulletin municiapal de Sées.
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Vraiment inoubliable, ce 7 septembre 1906.
L'histoire d'un jeune homme
de 91 ans
C'était au printemps 1906.
Sous la présidence du bon M. Fallières, Georges Clemenceau, ministre de l'Intérieur et Aristide
Briand, ministre des Cultes, après des années de luttes religieuses, recherchaient des
arrangements avec le Pape et les Évêques. M. Montauze, maire de Sées, supportait de plus en
plus mal les soucis endémiques que lui causaient les finances de la ville. Pensez donc : on voyait
le fond des caisses, le receveur communal alertait la municipalité et on se sentait obligé
d'augmenter les taxes d'octroi.
Pour tout arranger, le Gouvernement créait de nouveaux impôts et serrait la vis fiscale sur les
successions jusqu'à 12 maximum. Pire, certains prophètes de mauvais augure envisageaient,
mais sans y croire, un impôt sur les revenus personnels.
Pourquoi pas à Sées ?
C'est dans ce contexte difficile de la Belle Époque, que fleurissait la mode des kiosques à
musique. Les villes d'eau avaient commencé, les grandes villes se sentaient tenues d'en posséder
un ou plusieurs. Pourquoi Sées, Cité épiscopale, chef-lieu historique, 5e ville du département,
n'aurait-elle pas son kiosque?
Il fallait aussi une opération de prestige, d'autant qu'on devait inaugurer en septembre les
nouvelles tribunes, élégantes et confortables, du champ de courses de la Madeleine. Et puis M.
Doinelle, chef de musique poussait à la roue. L'alliance musicale était prospère et pleine de talent.
Il s'y ajoutait une chorale nombreuse très au point.
L'endroit était tout trouvé.: l'arrivée des chemins de fer de l'Ouest. à l'angle du boulevard Pichon
et de la rue de la Gare, il y avait le square. Le site paraissait bien choisi pour donner aux
voyageurs une riche idée de la ville.
Au diable l'avarice ! Le conseil décida sans plus attendre de contracter un emprunt et de
construire le kiosque pour la somme de 4.000 F.
Avec le champ de courses
Albert Mezen, l’éminent architecte d’Alençon, fut chargé de réaliser l’ouvrage. Les employés
municipaux s’occuperaient de la maçonnerie et une entreprise parisienne fournirait les éléments de
fonte. On renoncerait provisoirement – il y a des provisoires qui durent – à un plafond de sonorité, mais
il fallait faire vite et pas cher.
Les travaux, rapidement poussés pendant l’été, étaient terminés fin août. Certes, le devis était dépassé
de 500 F, mais la fête pouvait commencer.
Le dimanche 7 septembre 1906. l’inauguration du champ de courses fut un vrai succès, récompensant
le rôle et le dévouement des commissaires, MM. De Courcy et Pignel. Parmi les notabilités présentes,
citons le comte de Levis-Mirepoix, le comte Roederer, le Docteur Hommey père, le comte du
Pontavice, le comte de Pelet. M. Forcinal. Leurs épouses les accompagnaient ainsi que leurs
gracieuses jeunes filles, “fleurs charmantes, animées et fraîches, aux corolles légères et
ondoyantes sous le limon ou la mousseline”.
Mais ce n’était que le début. La soirée s’annonçait féerique.
Dès 20 heures, une foule nombreuse, composée d’étrangers et de toute la population sagienne, se
pressait au square de la gare, débordant sur la place et les rues avoisinantes. La Compagnie des
Chemins de Fer de l’Ouest avait frété des trains spéciaux. Le kiosque brillait de tous ses becs de
gaz. La municipalité avait fourni 250 lanternes vénitiennes rouges, pour lesquelles elle avait razzié
toutes les épiceries, car il fallait trouver plus de 30 kg de bougies.
C’est alors que l’Alliance Musicale donna son triomphal concert, accompagnée par les choeurs. La
chorale comptait 26 chanteurs et 31 demoiselles pour exécuter un programme très soigné.
Un triomphe mérité
Après la Marseillaise et ses 7 couplets, chantés debout et repris par la foule, il y eut des valses, une
fantaisie pastorale, une marche oeuvre du chef de musique, des choeurs bien enlevés. Ce fut aussi la
première de la “Sagienne”, cantate locale de ccirconstance en six couplets, suivie de “Au revoir et
merci !”
Le clou, longuement répété, devait en flamber le public : c'était le “Choeur des soldats” de Faust, qui
fut bissé. L’enthousiasme atteignait le délire.
Sous les applaudissements prolongés, M. Doinelle, modeste dans son bel uniforme, savourait un
triomphe bien mérité.
Après un brillant et très sonore feu d’artifice, la retraite aux flambeaux pouvait s’ébranler. Les
musiciens et les personnalités précédaient la foule. A part les jeunes filles et leurs chaperons qui
devaient rentrer à la maison, tout le monde défila en ville par les rues de la Gare et des Billards,
la rue Mansaise et la rue Grande jusqu’à la place du Parquet et l’Hôtel de Ville illuminé.
Puis, le cortège revenait par les rues Billy et Montjaloux jusqu'aux Halles, elles aussi illuminées,
où un grand bal public était programmé.
Les maisons et les boutiques se devaient d’être pavoisées et éclairées comme un jour de fête-Dieu.
De plus, ce jour-là, les jeux et loteries ne payaient pas de taxes. Les 32 débits de boisson pouvaient
même rester ouverts toute la nuit. Par contre, les pétards qui font peur aux honnêtes gens et peuvent
mettre le feu étaient interdits. Vigilants, deux pompiers en uniforme surveillaient le cortège.
Et soudain, vers minuit, le sifflet des locomotives déchirait l’air tiède de la nuit. La Compagnie de
l’Ouest rappelait aux fêtards que le dernier train spécial repartait à minuit et demi ...
Seigneur, quelle journée !
Vraiment inoubliable, ce 7 septembre 1906.
Texte extrait du bulletin municiapal de Sées.
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« Forçats évadés. États et dossiers nominatifs (1814-1844)La famille PAYSANT, « Ils ont préféré mourir debout plutôt que de vivre à genoux ». »
Tags : ville, rue, sees, jeune, comte
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