• Harfleur, dans l’agglomération du Havre, église et maison à colombage

    La Normandie tient son nom des envahisseurs vikings qui menèrent des expéditions dans une grande partie de l’Europe à la fin du Ier millénaire en deux phases (790-930 puis 980-1030). On les appelait Northmanorum ou Nortmanni « Normands », étymologiquement « hommes du Nord ». Après 911, ce nom remplace celui de Basse-Neustrie, sous lequel cette terre était connue jusque lors.

    La toponymie normande garde des traces de cette colonisation scandinave ainsi qu’un assez grand nombre de noms de famille : Anfry, Ango, Angot, Anquetil, Auber, Dodeman, Doudement, Estur, Gonouf, Ygout, Ingouf, Néel (Nigel), Onfray, Osmond, Osmont, Ouf, Renouf, Roberge, Surcouf, Théroude, Tougard, Toutain, Tostain, Troude, Touroude, Turgis, Turgot, Turquetil, Quétil, etc.

    Les premiers raids vikings arrivent entre 790 et 800 sur les côtes de la Gaule occidentale. Le littoral neustrien est atteint sous le règne de Louis le Pieux (814-840). L’incursion de 841 fit de grands dégâts à Rouen et Jumièges. Les Vikings s’attaquent aux trésors monastiques, proies faciles car les clercs ne peuvent les défendre. L’expédition de 845 remonte la Seine et touche Paris. Les raids eurent lieu durant l’été, les Vikings retournant avec leur butin en Scandinavie passer l’hiver.

    À partir de 851, ils hivernent en Basse-Seine ; ils incendièrent l’abbaye de Abbaye de Saint-Wandrille", Fontenelle : les moines durent s’enfuir à Boulogne-sur-Mer en 858 et Chartres en 885. Les reliques de sainte Honorine furent transportées de l’abbaye de Graville à Conflans, en région parisienne. Une partie des archives et des bibliothèques monastiques furent également déplacées (des volumes de Jumièges à Saint-Gall), mais beaucoup furent brûlées.

    Les rois carolingiens menèrent des politiques parfois contradictoires et lourdes de conséquences. En 867 par le traité de Compiègne, Charles le Chauve doit céder au roi breton Salomon, le comté du Cotentin, à la condition qu’il lui prête serment de fidélité et qu’il l’aide dans son combat contre les Vikings.

    Cependant, en 911, le chef viking Rollon conclut un accord avec le carolingien Charles le Simple. Aux termes du traité de Saint-Clair-sur-Epte, le roi lui remit la garde du comté de Rouen, soit à peu de choses près l’actuelle Haute-Normandie, en échange d’un serment de vassalité (prononcé en 940) et un engagement à se faire baptiser. Rollon devait également protéger l’estuaire de la Seine et Rouen des incursions scandinaves. À la suite de conquêtes progressives, le territoire sous souveraineté normande s’agrandit : l’Hiémois et le Bessin en (924), le Cotentin et l’Avranchin en (933). Cette année là, le roi Raoul de Bourgogne était contraint de céder au prince des Normands Guillaume Longue-Epée la « terre des Bretons située en bordure de mer ». Cette expression désignait le Cotentin et sans doute aussi l’Avranchin jusqu’à la Sélune dont c’était alors la frontière sud. Entre l’an 1009 et 1020 environ, la terre entre Sélune et Couesnon fut conquise sur les Bretons, faisant définitivement du Mont Saint-Michel une île normande. Guillaume le Bâtard compléta l’ensemble par la conquête du Passais sur le Maine en 1050. Les archevêques de Rouen avaient poussé les princes normands à élargir leurs possessions jusqu’à remplir l’espace de la province ecclésiastique de Rouen, faisant coïncider l’une et l’autre à peu près.

    Bien que de nombreux bâtiments aient été pillés, brûlés ou détruits par les raids vikings aussi bien dans les villes que dans les campagnes, il ne faut pas trop noircir le tableau dressé par les sources ecclésiastiques : aucune ville n’a été complètement rasée. En revanche, les monastères ont tous subi les pillages des hommes du nord et toutes les abbayes normandes ont été détruites. La forte reprise en main de Rollon et ses successeurs rétablit toutefois assez rapidement la situation.

    D'après les sources documentaires, la toponymie et l'ensemble des données linguistiques, le peuplement nordique de la Normandie aurait été essentiellement danois, mais il est probable qu'il y ait eu des norvégiens et peut-être même des suédois. Il y a distorsion entre la richesse du matériel linguistique, notamment la toponymie qui a un caractère nordique évident surtout dans le pays de Caux, la Basse-Seine et le Cotentin, et la pauvreté du matériel archéologique viking, soit qu'on ne l'aie pas suffisemment cherché, soit qu'il y en aie peu. Ce qui fait dire à l'archéologue Jacques Le Maho que l'essentiel du peuplement nordique est le fait de fermiers anglo-scandinaves et non pas de vikings. Cette théorie est d'ailleurs confirmée par la toponymie et l'anthroponymie qui ont un caractère nettement anglo-scandinave avec des noms typiquement vieil-anglais ou scandinaves d'Angleterre[13].

    La fusion entre les éléments scandinaves et autochtones a contribué à créer le plus puissant état féodal d’Occident. Le dynamisme et le savoir-faire en fait de construction navale, dont témoigne le lexique technique normand, puis français, des nouveaux venus leur permettront de se lancer par la suite à la conquête de l’Angleterre, de l’Italie du Sud, de la Sicile et du Proche-Orient des croisades.


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  • La Normandie ducale (Xe au XIIIe siècles)

    La Normandie aux Xe et XIe siècles

     

    Avant Guillaume le Conquérant

    Les historiens ont peu de sources écrites pour reconstituer cette phase de l’histoire normande : Dudon de Saint-Quentin, Guillaume de Jumièges, Orderic Vital, Wace, etc. Les sources diplomatiques nous renseignent sur la cour des ducs.

    Le pouvoir des ducs de Normandie au XIe siècle 

    Rollon était le chef - le « jarl » - de ses Vikings. Après 911, il fut comte de Rouen. Ses successeurs prirent d’abord le titre de comte de Normandie, jusqu’à Richard II. Puis ils relevèrent la dignité ducale laissée vacante par l’accession au trône des Capétiens, ducs de France. Car il ne pouvait y avoir qu’un seul duc en Neustrie, et le titre était porté par les ducs robertiens de France avant de l’être par les princes normands. Ces ducs de Normandie exercèrent le pouvoir de ban, bien qu’ils reconnussent la suzeraineté du roi de France. La Normandie n’échappa pas au mouvement général d’accaparement de l’autorité publique par les princes territoriaux : les ducs frappèrent leur monnaie, rendirent la justice et prélevèrent les impôts (tonlieux, graverie). Ils levèrent leurs propres armées et nommèrent l’essentiel des prélats de leur archidiocèse. Ils étaient donc pratiquement indépendants du roi de France, quoiqu’ils leur rendissent hommage à chaque nouveau règne.

    Gisant de Rollon, dans la cathédrale de Rouen

    Ils entretiennent des relations avec les souverains étrangers, en particulier le roi d’Angleterre : Emma, sœur de Richard II épousa Ethelred II, roi d’Angleterre. Ils placent des membres de la famille ducale élargie aux postes de comtes et vicomtes, qui apparaissent vers l’an mille. Ils conservent une partie des traditions scandinaves comme le droit d’exiler, le droit maritime ou le concubinage légal. Mais à la différence des autres princes territoriaux du nord de la France, les ducs normands empêchent les châtelains d’obtenir de trop vastes pouvoirs, préservant ainsi le leur. Notamment, les domaines que possédaient en propre les ducs de Normandie étaient beaucoup plus importants que celui des autres princes territoriaux. Cette richesse foncière leur permit de restituer des terres aux abbayes et de se garantir des fidélités auprès des vassaux par la distribution de fiefs. Mais au cours du XIe siècle, cette politique féodo-vassalique réduisit considérablement les propriétés foncières de la dynastie, jusqu’à la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant qui rétablit le duc comme grand propriétaire foncier.

    La cour du XIe siècle n’a pas d’organisation stricte et se déplace souvent. Elle est composée d’aristocrates ou « Grands », laïcs et ecclésiastiques. Ces « Grands » prêtent serment de fidélité à l’héritier du duché. La chancellerie n’est pas encore formée et les actes écrits sont encore peu nombreux.

      Généalogie simplifiée des ducs de Normandie.

    L’aristocratie était composée pour une petite partie d’hommes d’origine scandinave, comme le lignage des Harcourt, la plupart des Grands de Normandie étant d’origine franque : les Bellême, les Tosny. Au début du XIe  siècle s’agrégèrent et se mélangèrent des éléments bretons à l’ouest, des Allemands et des Angevins. Tous ces aristocrates prêtent serment de fidélité au duc de Normandie et celui-ci leur attribua des domaines fonciers. Dès les années 1040, le terme baron désigne l’élite des chevaliers et compagnons du duc. En revanche, le mot vassal n’apparaît dans les documents que vers 1057. C’est aussi au milieu du XIe siècle que l’on commence à utiliser le mot fief. Richard Ier désigna des comtes issus de la dynastie et veilla à ce qu’ils ne constituent pas de trop puissants lignages.


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  • Économie

    Au début du XIe siècle, la Normandie est insérée dans un réseau d’échanges commerciaux orienté vers l’Europe du nord-ouest. Les marchands rouennais fréquentent déjà Londres où ils acheminent du vin. Rouen reçoit encore des esclaves livrés par les Vikings. La circulation de la monnaie y était plus intense qu’ailleurs.


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  • Vie rurale

    Crypte de la cathédrale de Bayeux, XIe siècle

    Vie rurale

    Fait relativement rare à l’époque, la Normandie ignore le servage et utilise l’acre comme unité de surface des terres. Les tenures sont allouées au titre de vavassories ou villainage et remplacent progressivement le système carolingien des manses. Les corvées dues par les paysans sur la réserve seigneuriale sont relativement faibles, à la différence des autres régions françaises.

    Toutefois, la question de l’absence du servage est débattue. Denise Angers (université de Montréal), s’appuyant sur les terriers (registres fonciers des seigneuries), a pu montrer la persistance de charges considérées dans d’autres régions comme serviles : formariage (mariage d’un serf hors de la seigneurie ou avec une personne d’une autre condition) et mainmorte (droit de succession perçu par le seigneur sur les biens de ses serfs) ainsi que de corvées (d’ailleurs parfois appelées dans les sources servages) privant les tenanciers du libre emploi de leur temps.


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     Architecture médiévale normande.

     

    La renaissance urbaine et cultuelle de la Normandie de l’ouest après le temps des invasions est un phénomène relativement lent et progressif : mis à part le cas du mont Saint-Michel, il faut attendre les années 1030 pour voir renaître les grands monastères normands. Les cités épiscopales de Caen et Valognes ne se distinguent que vers 1025. Les ducs s’employèrent à rétablir la vie monastique en Normandie : vers 960, le réformateur Gérard de Brogne ressuscite Saint-Wandrille. Richard Ier fait reconstruire l’église abbatiale à Fécamp. Mais c’est Richard II qui fit venir Guillaume de Volpiano pour ranimer la vie de l’abbaye, selon la règle bénédictine. Robert le Magnifique fonda Cerisy en 1032.


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